La société civile tunisienne dans le viseur de Kaïs Saïed

0
722
La société civile tunisienne

La société civile tunisienne

 

Il fallait s’y attendre et Business News a été l’un des premiers (et rares) médias à avertir ses lecteurs. Après le parlement, le gouvernement et les juges, le président Kais Saied ciblera les médias et la société civile. Cependant, il a renversé les priorités en s’en prenant à la société civile devant les médias. Notre tour viendra sans doute. D’ailleurs, il ne nous a pas manqué dans son allocution du jeudi 24 février, et nous a grondé de ne pas avoir parlé de la fabrication des vaccins contre le COVID-19 en Tunisie. Intox parce que tous les médias tunisiens en ont parlé. Et s’ils n’en ont pas dit plus sur le sujet, c’est parce que les ministères respectifs (Santé, Industrie), ni la Présidence ne leur ont donné des éléments de travail pour la préparation d’articles et d’émissions.

Si seulement les médias ont rapporté dans le discours du 24 février, alors la société civile a fait l’objet d’un long segment au cours duquel elle a été accusée d’être issue des salaires des puissances étrangères. Il faut mettre un terme au financement étranger des associations qui sert de couverture au financement des partis politiques. Personne n’a le droit de s’immiscer dans nos politiques et nos choix. Nous allons réglementer ce cadre pour les ONG, mais il n’est plus question de permettre aux associations d’agir comme intermédiaires.

La question des représentants de la société civile (appelés ONG) n’est pas exclusive à la Tunisie. Elle est régulièrement évoquée par les politiciens de droite et même les extrémistes et les dictateurs qui voient ces ONG comme des espions à l’ère moderne.

Parlant d’une loi interdisant aux ONG financées par l’étranger d’opérer dans le pays, Kais Saied emprunte le même chemin que le président russe Vladimir Poutine a emprunté il y a deux ans. Pour bloquer ses adversaires, financés pour l’essentiel par des puissances étrangères, le président russe leur a explicitement et simplement interdit de faire du sport. Immédiatement, des centaines d’ONG et de médias ont été contraints de fermer des magasins et leurs représentants (russes ou étrangers) ont été contraints de quitter le pays.

Même tendance en Hongrie où le Premier ministre nationaliste Viktor Orbán a mené une véritable guerre contre les ONG et leurs bailleurs de fonds, notamment le plus célèbre d’entre eux, George Soros l’Allumette.

C’est le même George Soros qui pendant un certain temps a été dans les yeux de l’ancien président américain Donald Trump et a été durement critiqué par le candidat français à la présidentielle de 2022 Eric Zemmour.

En invoquant les ONG et les financements étrangers, il est clair que Kais Saied suit le chemin des nationalistes de droite Orban, Poutine, Zemmour et Trump, sauf que la Tunisie n’est pas les États-Unis et que Saied n’est pas Poutine.

Pour pouvoir attaquer adéquatement les financements étrangers des ONG, il faut être indépendant des financements étrangers. Pourtant, l’État tunisien, dirigé par Kais Saied, n’a cessé de jouer les mendiants depuis 2011. Ce qui était impensable sous Ben Ali est devenu une norme au lendemain de la révolution. Presque tous les ministères sont aidés par des programmes d’aide spécifiques financés par des institutions étrangères, gouvernementales ou non.

Cela touche même les ministères de souveraineté tels que l’Intérieur, la Défense et la Justice. Le nombre de programmes de formation et de développement a atteint des centaines et des milliards de dollars qui ont été injectés par des étrangers depuis 2011.

Ce n’est pas seulement le gouvernement qui accepte les dons étrangers, mais il en va de même pour les organismes dits indépendants, comme Haica, Isie ou IVD.

Sans l’aide étrangère, aurions-nous eu une Commission électorale supérieure (ISIE) “indépendante”, le même organe qui a pu organiser des élections (ingénieusement et selon les normes mondiales) en 2011, 2014, 2018, 2019 ?

En acceptant que les institutions étatiques reçoivent des financements étrangers pour des programmes spécifiques, Kais Saied doit nécessairement, et inévitablement, accepter que la société civile reçoive également des financements.

Car il arrive que les institutions étrangères qui financent les institutions publiques soient les mêmes qui financent les institutions de la société civile. Ils refuseront tout simplement de financer les institutions étatiques si Qais Saeed refuse de financer la société civile.

Il est clair, encore une fois, que Qais Saïd ne mesure pas la portée de ses pensées avant qu’elles ne soient prononcées.

Ceci dit, le dossier des ONG et de leur rôle dans la vie démocratique tunisienne doit être ouvert. Si certaines ONG se sont montrées utiles et indépendantes comme Reporters sans frontières, Compass, la Ligue tunisienne de défense des droits de l’homme et la Confédération des syndicats, d’autres ont fait la preuve de leur partisanerie honteuse, comme Amnesty International, iWatch ou Tunisia Charitable.

Curieusement, quand on y regarde de plus près, les ONG que George Soros finance sont toujours celles dont le travail est trouble et où l’argent coule partout.