Où ont disparu les militants de 2011 ?

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Où ont disparu les militants de 2011
Demonstrators hold flares during a demonstration against a bill that would protect those accused of corruption from prosecution on Habib Bourguiba Avenue in Tunis, Tunisia, May 13, 2017. REUTERS/Zoubeir Souissi - RC1F0A7B5AB0

Où ont disparu les militants

Depuis le 25 juillet 2021, la Tunisie vit sous un régime qui accapare les pleins pouvoirs, détruit et étouffe les libertés. Pour contrer le régime autoritaire, la majorité des partis, des organisations non gouvernementales et des médias privés sont présents à l’appel. Mais pas ceux qui se sont déclarés révolutionnaires et combattants en 2011.

Immédiatement après le 14 janvier 2011, des dizaines de Tunisiens sont apparus sur le devant de la scène politique et se sont présentés comme de véritables militants qui ont combattu le régime de Ben Ali, depuis la Tunisie et l’étranger.

Complètement inconnus du peuple et des médias, ils parvenaient jusque-là à occuper des postes ministériels et autres hauts gradés dans les institutions de l’État.

triche? Les quelques médias et politiciens qui ont dévoilé la vraie nature de ces faux vrais militants ont été accusés d’être contre-révolutionnaires et anti-démocratiques. c’est un.

Depuis le coup d’Etat du 25 juillet, la Tunisie vit à nouveau le cauchemar d’un régime autoritaire. En théorie, ceux qui se sont présentés comme des combattants en 2011 devraient faire partie de ceux qui luttent contre ce régime. Non, ces personnages célèbres de l’époque sont pour la plupart partis à l’étranger, laissant le pays en plein marasme et les vrais combattants seuls face à la gueule du loup.

Salim bin Humaidan

Étudiant avec une formation juridique, il a préféré fuir la Tunisie vers le Soudan avant de s’installer plus tard à Paris où il est devenu avocat. Grâce à l’amnistie générale décrétée après le 14 janvier 2011, il a pu rentrer en Tunisie sans souci.

Très vite, il occupe le devant de la scène politique et médiatique, puisqu’il se présente comme un militant du parti du Congrès pour la République de Moncef Marzouki, qui participe à la lutte contre le régime de Ben Ali. La tromperie a trompé au moins 353 041 électeurs en 2011. Élu à l’Assemblée constituante, il a rapidement quitté le Parlement pour devenir ministre des Domaines, poste pour lequel il a réussi à récolter de nouveaux quais. Il a été cité dans plus d’une affaire judiciaire et a été inculpé dans la célèbre affaire de la Banque franco-tunisienne. Cela traîne dans les couloirs de la justice depuis des années.

Il a tenté d’entrer au barreau tunisien, mais celui-ci s’y est catégoriquement opposé, sachant qui il était vraiment.

À la date du coup d’État du 25 juillet 2021, il était en vacances en Tunisie, mais il a quand même pu traverser la frontière malgré les problèmes juridiques en suspens, et même si les interdictions de voyager pour les personnalités politiques dans les régimes post-14 janvier ont été comptés par dizaines.

Depuis lors, il a prudemment évité de retourner dans le pays et toute publicité dans les médias anti-régime dont il se souvenait avoir eu.

Il lui faut attendre le retour du pays pour se débarrasser de Kais Saied et se présenter à nouveau comme un militant qui s’est battu contre la dictature.

Sihem Badi

Comme M. Bin Humaidan, Mme Badi est membre du Parlement, et comme lui, elle n’a aucune expérience dans la gestion des affaires de l’État. Médecin de profession, basée à Paris, elle fut à une époque la préférée de Moncef Marzouki.

Grâce à cette proximité, elle a été transférée à la tête du ministère de la femme après les élections de 2011 où elle a pu récolter des cagnottes. En revanche, le poste ouvrait des portes aux médias, qui la sollicitaient sans cesse pour ses interventions polémiques et clivantes.

Agressive, vindicative, Siham Badi tolérait pleinement cette image et cherchait, par tous les moyens, à écarter de la scène tout opposant à la troïka. De patriotisme, elle était juste là.

Après un cuisant échec aux législatives de 2014, elle est expulsée du parti de Moncef Marzouki (qui a changé de nom à la suite de la défaite). L’ancienne patronne du CPR a trouvé en elle un bon bouc émissaire pour justifier la mauvaise image du parti, et donc l’échec.

N’ayant plus rien à faire en Tunisie, elle revient à Paris pour s’occuper de son cabinet médical. A l’exception de France 24, elle est complètement ignorée des médias.

Après le putsch du 25 juillet, Siham Badi a brillé par son désintérêt pour les affaires publiques. Elle n’est plus une militante, elle n’est plus une combattante, elle n’est plus une chose. Comme avant 2011. Son sport préféré en ce moment est de prendre des photos d’elle tout le temps comme de jeunes ados ou des instagrameurs sans cervelle.

Abdul Wahab Matar

Juriste et membre dirigeant du parti du Congrès pour la République, voici un autre inconnu de la scène politique dure qui a fait irruption sur le devant de la scène au lendemain de la révolution de 2011.

Il a été nommé ministre de l’Emploi grâce à sa grande proximité et amitié avec Moncef Marzouki.