Plein de postes vacants
La Tunisie est devenue une préoccupation pour de nombreux pays, voisins et amis qui parlent ouvertement du danger d’effondrement. L’inflation est à deux chiffres, une sécheresse imminente oblige la Sonede à mettre en place des mesures de rationnement, et le gouvernement n’a pas encore précisé comment il résoudra son déficit budgétaire. Malgré ces urgences et avertissements, le président de la République ne s’est pas présenté depuis dix jours et n’a pas encore pourvu des dizaines de postes vacants au sein du gouvernement et au sein de l’appareil d’État.
Depuis la nuit du ramadan, le mois du jeûne, le président n’est plus apparu lui-même, ni en public ni à l’écran. Partout dans le monde démocratique, les citoyens ont une idée claire de l’agenda et des activités présidentielles. Mais pas en Tunisie, où le président aux pleins pouvoirs ne se soucie pas de ces détails et estime qu’il n’est pas responsable devant son peuple.
Les absences présidentielles inexpliquées ont déclenché l’ivresse sur les réseaux sociaux. Certains islamistes avertis et des pages Facebook disent qu’il est alité à l’hôpital militaire. Certains préfèrent rire et dire qu’ils ont raté l’invitation présidentielle et que le jeûne n’empêche pas Qais Saeed de travailler.
Hormis l’effervescence sur Facebook, les faits indiquent que le président, bien qu’absent, a mené au moins deux activités depuis le début du ramadan, jeudi 23 mars.
La première remonte à lundi dernier lorsqu’il recevait Paolo Gentiloni, commissaire européen à l’économie.
La seconde remonte à hier, jeudi, lorsqu’il a limogé le gouverneur de Gabès et demandé au garde des sceaux de charger le parquet de mener une enquête judiciaire contre lui, soupçonné d’avoir commis des actes illégaux dans l’exercice de ses fonctions. Ces deux militants devraient démentir les affirmations des islamistes concernant son hospitalisation.
Alors que les Tunisiens s’interrogent sur leur président, et alors qu’Américains et Européens parlent des dangers de l’effondrement de l’économie tunisienne, le pays souffre toujours de vacances à plusieurs postes importants. Après les révocations sans remplacement ou pour raison de mission, le Président de la République et/ou le Chef du Gouvernement n’ont pas encore jugé opportun de pourvoir ces postes.
Voici une liste non exhaustive de ces fonctions :
Présidence de la République : Pas de directeur de la communication depuis octobre 2020, et pas de directeur de cabinet depuis janvier 2022.
Gouvernement : Il n’y a plus de ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle depuis février 2023, plus de secrétaire général du gouvernement, plus de porte-parole du gouvernement.
Ministère des Affaires étrangères : Pas d’ambassadeur à Rome, Pékin, Qatar, Ankara et autres depuis des mois. Un nombre inconnu de consulats en sont privés depuis des mois.
Bureau d’audit : sans président
Conseil de la concurrence : sans président
Conseil suprême des droits de l’homme : sans président
La Commission nationale anti-corruption : sans président, la commission est fermée, et son personnel se retrouve sans revenus
Gouvernorats : Béja, Gabès, Kef, Tunis et Sfax sans gouverneurs
Conseils municipaux : 100 % des maires élus le 9 mars ont été démis de leurs fonctions avec la dissolution des conseils municipaux.
Établissements publics : Il n’y a pas de directeur général ni de directeur à l’Institut national de la météorologie, à l’Etape, aux Maisons de Livre, à l’Institut national du patrimoine et à la Bibliothèque nationale.
Commission nationale de conciliation pénale : sans président
Cette liste, rappelons-le, est loin d’être exhaustive, mais elle montre à elle seule à quel point le pays est mal géré.
La force putschiste a du mal à trouver les bonnes personnes pour occuper ces postes.
Il y a plusieurs raisons à cette difficulté. La première est que le président de la République veut nommer des personnes qui lui sont fidèles et convaincues de son projet. Il est tout à fait prêt à embaucher des personnes sans compétences connues et sans aucune expérience, l’essentiel est qu’elles lui soient fidèles. On l’a déjà vu avec la nomination de Wali Ben Arous.
Avec un carnet d’adresses pour les plus faibles, sans parti derrière lui, le président de la République a donc du mal à désigner des personnes de confiance.
Une autre difficulté est que les candidats ne s’entassent pas pour plusieurs raisons. Kais Said s’est emparé du plein pouvoir en faveur d’un coup d’État et s’est assis sur la constitution. Les gens puissants ne veulent pas être égaux à ce pouvoir.
Autre difficulté, le projet du Président ne parvient pas à convaincre les personnes compétentes car son modèle est dépassé et dépassé. De plus, le président rejette les nominations de personnes ayant une vision économique libérale et moderne.