Ces 2364 dinars et 400 litres de carburant qui agacent Kaïs Saïed

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Kaïs Saïed

Depuis jeudi soir, un véritable gang s’est lancé sur les réseaux sociaux contre des magistrats, notamment des membres du Conseil supérieur de la magistrature. Ce n’est pas à cause d’une décision controversée ou d’une erreur judiciaire.

ni à cause de la corruption du juge, mais à cause d’une prime de 2364 dinars (au total) et de quatre cents litres de carburant attribués aux juges du Conseil du CSM. “Le Président de la République a raison d’y mettre un terme.

c’est trop ! Ces juges sont gourmands et corrompus !”, “Bravo à leur bouche, il faut régler ce CSM, le Président nettoie vraiment la justice !”, “Ayons sur le dos, nous les pauvres pauvres ! Honte à eux.” ! “. C’est en quelque sorte ce que l’on lit depuis hier, quelques minutes après la diffusion du discours de Kais Saied lors du conseil des ministres qui s’est déroulé au palais de Carthage le jeudi 30 décembre 2021.

En matière de populisme et de chasse aux sorcières, le président de la république s’avère avoir une assez bonne réputation. Après le lancement des rassemblements contre les islamistes, les politiques et les hommes d’affaires, c’est au tour des juges de supporter la douleur du président, les attaques de ses sympathisants, et les critiques scandaleuses du grand public !

C’est maintenant devenu une habitude pour Qais Saeed. Il porte des accusations et les accompagne dans les formulaires, désigne (sans nommer) le coupable et laisse chauffer la marmite.

On se souvient encore des 460 hommes d’affaires qui ont volé les 13 500 milliards de personnes dont il a parlé le 28 juillet. Où en sommes-nous dans cette histoire ? Et parmi ces ministres nommés par Hisham al-Mashishi, dont le président de la République a refusé de prêter serment sous prétexte qu’ils sont corrompus, où sont-ils ? Et qu’en est-il de tous ces hommes politiques qui ont été assignés à résidence pendant plusieurs semaines après le coup d’État du 25 juillet, y en a-t-il un qui a été mis en examen ? Ou ces ministres qui ont été emprisonnés pendant des mois et dont les dossiers ont été classés faute de preuves à charge ? Et qu’en est-il de l’affaire de la tentative d’assassinat dont il a parlé il y a quelques jours, ou de l’histoire de l’enveloppe empoisonnée que le chef d’état-major a ouverte ?

Depuis sa nomination, et surtout cette année 2021, Kais Saied a terni l’honneur des hommes et des femmes avec des accusations trompeuses et légères, totalement infondées, basées sur des publications Facebook ou des rumeurs de café, souvent lancées par les internautes. Révolutionnaires et chevaliers de la lutte contre la corruption.

Pour tout ce qui précède, vous pourriez penser que le patron agit de bonne foi et se laisse manipuler au mieux par des imbéciles et au pire par des maîtres chanteurs honnêtes.

Quant à son évasion le 30 décembre contre les juges, on ne peut pas attiser les rumeurs et les ragots, car le Président de la République a évoqué un décret d’organisation qui a été dûment publié au Journal Officiel.

Le Président cite le décret réglementaire n°1 du 30 mars 2018. Vérification par Business News, ce dernier ne comporte aucune disposition nouvelle et s’étend uniquement aux décisions prises par le décret réglementaire n°2 du 13 novembre 2017, qui a également été mentionné par Le président.

Que dit ce décret réglementaire ? Il précise les avantages obtenus par les membres du Conseil supérieur de la magistrature, qui sont de 2 364 dinars et quatre cents litres de carburant par mois.

Pour prendre cette décision, les juges du Conseil du CSM ont cité comme référence l’article 113 de la Constitution, la loi sur la responsabilité publique, les lois organiques 34/2016 et 19/2017 ainsi que le décret réglementaire 1/2017 de l’Assemblée générale du CSM.

 

Tous ces textes donnent, d’un point de vue juridique, le droit aux juges de déterminer quelle indemnité leur est due à juste titre. Donc, en théorie, il n’y a rien de mal avec eux.

D’un point de vue éthique, il est normal que les membres du CSM reçoivent une prime supplémentaire à leur revenu initial, car il s’agit d’un travail supplémentaire par rapport à leur emploi initial. Elle n’est pas exclusive, elle l’est dans toutes les autres institutions publiques et partout dans le monde. Il n’y a donc pas de violation des mœurs, contrairement à ce qu’a indiqué hier le président de la République.

Sur le plan humain, les juges du CSM ont un vrai métier qui demande une mobilisation physique et un effort mental important. Ils sont responsables, ni plus ni moins, du « jugement » de leurs collègues, et leurs décisions ont des conséquences désastreuses.