La Tunisie recommande
Le ministère des Affaires étrangères a publié une série de photos contenant des extraits du discours prononcé par le ministre Othman Grandi lors de sa participation à la 77e session de l’Assemblée générale des Nations unies le 26 septembre 2022. Le ministre a tenté d’adopter un discours moderniste et a appelé pour faciliter le développement et l’avancement des pays dans plusieurs secteurs et sur de multiples questions. Dans son allocution, Othman Al-Jarandi a souligné l’importance de la démocratie et des fondements et valeurs qu’elle comporte. Gerandi a estimé que le monde entier devait les respecter.
Cette annonce intervient quelques jours après la promulgation du décret électoral, qui nous conduit, après une première lecture, à la conclusion que la Tunisie, à travers son ministre des affaires étrangères, recommande au monde ce qu’elle ne doit pas faire.
Le décret précité interdit aux binationaux souhaitant se présenter aux élections législatives de déposer leur candidature sur le sol tunisien. C’est une atteinte grave à l’un des fondements de la démocratie : l’égalité des droits. Les binationaux vivant en Tunisie sont considérés comme des citoyens de seconde zone car, dans la plupart des cas, la nationalité héritée de leurs parents. Ils auront seulement la possibilité de participer au vote.
Autre fondement de la démocratie, évidemment insignifiant, pour Girandi : la séparation des pouvoirs. Othman Al-Grandi tente de souligner que la Tunisie est un modèle de démocratie lorsque son président s’est octroyé les pleins pouvoirs par la force, a dissous le parlement, voire est intervenu dans le système judiciaire. Le chef de l’Etat, Qais Saeed, avait décidé de révoquer les juges par un simple décret, s’opposant aux procédures administratives et à leur droit de se défendre devant l’Inspection générale. Ces derniers ont par la suite obtenu gain de cause devant le Tribunal Administratif, mais ils ont toujours refusé de les réintégrer dans leurs fonctions ! Ainsi, l’exécutif a prouvé qu’il ne respecte pas les décisions judiciaires qu’il n’aime pas et qu’il n’entend pas appliquer.
Othman al-Grandi a insisté sur l’adhésion de la Tunisie à la démocratie. Une démocratie devrait théoriquement garantir la coexistence des partis politiques. Mais la réalité tunisienne est très loin de ce que le ministre a évoqué dans son discours. L’autorité existante s’est complètement séparée de la plupart de ces structures et a tenu à les faire connaître. Le gouvernement, formé il y a près d’un an, n’a pas parlé avec les partis politiques, ni avec leurs partisans ni avec leurs opposants. La Première ministre Najla Boden a choisi d’ignorer complètement leur présence. D’un côté, la présidence est une toute autre histoire ! Le chef de l’État, Kais Saied, n’a pas manqué une occasion de rabaisser les partis politiques, les accusant ainsi que leurs dirigeants de corruption ou de trahison, ou soulignant que tout le monde, sans exception, est responsable de la détérioration de la situation économique et sociale. Force est de constater qu’une petite minorité a réussi à s’attirer la bénédiction du président de la République. Par exemple, le Mouvement populaire a eu le privilège de participer à un dialogue national fictif qui a abouti à un nouveau projet de constitution qui a fini à la poubelle parce qu’il ne répondait pas aux attentes de Saïd.
“Au sein d’un État qui préserve ses droits constitutionnels, sa liberté, sa sécurité et sa dignité, dans lequel prévalent la loi et la souveraineté du peuple”, a ajouté Othman Grandi. Encore une fois, le ministre essaie de donner des leçons au reste des États membres de l’ONU sur la base d’une illusion. Le ministre a-t-il oublié que la constitution garantissait l’égalité et la parité entre les hommes et les femmes dans les assemblées élues et que le décret électoral a totalement aboli ce principe en choisissant le scrutin individuel ? A-t-il omis de préciser que le gouvernement a facilité l’accès et assuré l’organisation de manifestations pro-tard sur la rue Habib Bourguiba, haut lieu de la révolution de 2014, et interdit les rassemblements de l’opposition au même endroit ? Pourquoi n’a-t-il pas expliqué les raisons de la publication du décret n ° 54, qui est censé viser à lutter contre les crimes liés aux systèmes d’information et de communication, mais ouvre les portes à l’attaque de l’expression en raison du manque de clarté et de la possibilité de l’interpréter comme bon nous semble ? De plus, le pouvoir en place s’est donné le droit d’attaquer de nombreuses personnalités politiques pour leur opposition à Qais Saïd.