Après avoir soutenu le 25-Juillet
Le président de la République Kais Saied et son gouvernement ont multiplié les provocations contre l’Union générale tunisienne du travail. Dernier traitement, le retour forcé de la secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats, Esther Lynch, sur décision du chef de l’Etat. Elle est accusée d’ingérence dans les affaires tunisiennes. Pour l’instant, l’UGTT tente de garder son calme…
Pour une fois, ce n’est pas la centrale syndicale qui bat les tambours de guerre contre le pouvoir en place, au contraire. Kais Saied et son gouvernement multiplient les provocations et les hostilités envers l’UGTT, comme pour le punir d’avoir travaillé à une initiative de sauvetage national en compagnie de l’Ordre des avocats, de la Ligue tunisienne des droits de l’homme et du Forum tunisien de l’économie. et droits sociaux (FTDES). Tout d’abord, le président de la République n’a donné aucune suite ni commentaire à ladite initiative, laissant ses partisans critiquer la centrale syndicale et remettre en cause la légitimité de l’initiative politique et de ses auteurs. Puis ce fut au tour de nommer le président de la République, Muhammad Ali Bugdiri, l’ennemi juré du pouvoir exécutif actuel, au poste de ministre de l’Éducation, dans une action pleine de sens. En revanche, le gouvernement a tourné le dos à l’UGTT concernant l’accord d’augmentation des salaires du secteur public. Le syndicat a été surpris que la mise en œuvre de cet accord par le gouvernement diffère grandement de ce qui avait été convenu. La sommation d’Esther Lynch de quitter le territoire tunisien n’est que le dernier épisode d’une série télévisée qui se dessine peu à peu et débouche sur un véritable affrontement entre la fédération et le pouvoir en place.
Pourtant, la centrale syndicale était partisane du 25 juillet et s’est félicitée des décisions annoncées en cette chaude nuit d’été. L’Union générale tunisienne du travail a salué le gel du parlement et l’expulsion des islamistes et de leurs partisans du pouvoir, même de manière antidémocratique. La Confédération ne voyait pas, à l’époque, qu’elle serait la prochaine sur la liste du pouvoir établi, après le Parlement et la Justice. Le fait qu’il tente de mener à bien une initiative de sauvetage, considérant que le pays est en danger sous les auspices de Qais Saeed, ne fait qu’exacerber son état avec la présence du pouvoir.
Aujourd’hui, les partisans du président de la République répandent l’idée que les dirigeants actuels de l’UGTT menacent la grève générale et se préparent à affronter le pouvoir pour échapper à la campagne d’« épuration » menée par l’État. A noter que ces dernières semaines, des accusations de favoritisme envers l’UGTT, d’entrave à l’économie nationale, de corruption et de détournement de fonds ont été recyclées par des partisans du président de la République, se comportant ainsi comme des islamistes et des Ligues de protection de la révolution. en 2013 et 2014. Le fait que l’UGTT ait dénoncé les arrestations Il a qualifié ces dernières d’arbitraires, tout en ajoutant du raffinement à l’amateurisme du patron. Ils obéissent au doigt et à l’œil et n’attendent que le moment où Qais Saeed pointe du doigt l’ennemi, comme c’était le cas pour le parlement ou le Conseil supérieur de la magistrature.
De son côté, l’UGTT est confrontée au choix de soutenir les décisions présidentielles le 25 juillet. Ses dirigeants peuvent expliquer que le processus a mal tourné, mais ils seront toujours considérés comme des “bluffs” qui ont changé d’avis lorsque leurs propres intérêts ont été menacés. La centrale syndicale, face à toutes les provocations du pouvoir en place, tente de garder son calme et ne veut pas être entraînée dans une confrontation nuisible au pays, quel qu’en soit le vainqueur. Cela n’empêche cependant pas le Centre de travailler actuellement à la mobilisation la plus large possible de ses forces. Ce n’est pas une mince affaire quand on sait que le nombre de syndicalistes soutenant Qais Saeed et ses décisions n’est pas négligeable. Pourtant, l’unité de l’UGTT reste l’un des fondements les plus importants de cette organisation nationale, d’autant plus que le pouvoir en place a osé mettre des syndicalistes en prison, dans une mauvaise resucée des événements de 1978.
A l’opposé du pouvoir en place, par vengeance et en faisant tout pour alimenter le populisme environnant, la centrale syndicale est pleinement consciente qu’entrer en confrontation directe avec le pouvoir en place est le point de non-retour. Il semble que Kais Saied veuille se précipiter dans cet affrontement car il veut en finir avec tous les corps médiateurs. Quels que soient les médias, l’Union générale tunisienne du travail reste la dernière institution qui représente un caillou dans la peau du président de la République.