Liste des 101
Une liste de 101 personnes soupçonnées d’être impliquées dans un complot financier complexe a été rendue publique mercredi 18 janvier 2023. Est-ce un véritable complot que la justice commence à déterrer, ou est-ce une aberration de plus d’occuper l’opinion publique en plein milieu de une élection? Campagne?
Hommes d’affaires, chaînes de télévision islamiques, personnalités et enfants de figures d’Ennahda, ONG adeptes du prosélytisme, et agences de voyages “liste 101” leakée mercredi 18 janvier 2023 rendent les anti-islamistes Saadeh avides de revanche.
Justice a-t-il décroché le jackpot ? Allons-nous enfin dénoncer les brumes islamiques et mettre à l’abri tous ces islamistes qui empoisonnent l’environnement politique depuis onze ans ?
Pour des raisons légales et éthiques, nous ne pouvons pas publier la liste en question, malgré sa popularité sur les réseaux sociaux. Cependant, nous pouvons en parler.
En y regardant de plus près, les noms des personnes et des entreprises répertoriées sont les mêmes que ceux que le public soupçonne depuis des années d’être à l’origine de l’argent politique sale. Adel Daadaa, Amer Al-Areedh, Lasaad Khader (et ses enfants), Daniel Zarouk, Somaya Al-Jabali (fille de l’ancien Premier ministre Hammadi Al-Jabali) … Il existe également un certain nombre de sociétés de télécommunications et deux chaînes de télévision, Carthage Plus et Al-Zaytouna. La lecture des noms indique que nous sommes face à un réseau mafieux dont le but est de contrôler l’environnement politique et médiatique tunisien par des pressions qui ne mentionnent pas son nom.
La liste divulguée contient le chef de l’unité d’enquête sur les crimes financiers complexes de la direction de la police judiciaire. courant. Les instructions du ministère public sont datées du 28 décembre 2022 et l’ordonnance de blocage date du 6 janvier 2023.
Ainsi, nous sommes face à une enquête judiciaire complexe mais classique. Cela fait peut-être partie de cette guerre contre la corruption et les corrompus dont parle tout le temps le président de la République. Quelque chose à fêter et voir enfin la mafia derrière les barreaux ou hors de danger ? Il ne faut pas aller vite, car il y a beaucoup de questions sur cette liste qui remettent en cause toute la procédure.
Le premier soupçon sur la liste 101 est que le document est théoriquement top secret et n’a rien à voir avec les réseaux sociaux. Il n’a certainement pas été divulgué par le réseau bancaire car il l’est, en théorie, depuis le 6 janvier et a toujours été cohérent dans le maintien du secret. Ce qui éveille les soupçons, c’est que l’auteur de la fuite poursuit un but politique.
Le moment de la fuite est aussi suspect que le document car il intervient moins de deux semaines avant le second tour des élections législatives.
Rappelons que lors du premier tour des élections législatives, les Tunisiens avaient eu le droit à une autre liste judiciaire fuite, la liste des 25. Cette liste a commencé à circuler sur les réseaux sociaux vers le 25 novembre, alors que le premier tour était le 17 décembre. La liste des 25 comprend également un certain nombre de personnalités politiques de premier plan. A la différence près que les 25 appartiennent au camp dit progressiste. Ces 101 appartiennent au camp dit islamique.
La liste des 25 a fait sensation et de nombreux noms ont été cités dans le canular. Gageons qu’il en sera de même avec 101.
Dans la Liste 101, on trouve certes des entreprises de télécommunications et des chaînes de télévision réputées pour leur proximité avec les milieux islamiques, et on ne connaît pas leurs sources de financement (comme Al-Zaytouna TV), mais on trouve aussi des entreprises de nettoyage et de vitrerie. Affiche le blanchiment d’argent? Peut-être.
Outre la nature de leurs activités, le gel des comptes bancaires de l’entreprise est dangereux et pourrait les conduire directement à la faillite. Une entreprise dont les comptes sont gelés ne peut plus payer ses fournisseurs et ses employés et ne peut même plus recouvrer ses factures. Le gel des comptes bancaires est un tel extrême qu’un juge ne peut pas se prononcer à la légère car l’impact est important et touche tant de personnes et d’entreprises tierces. Théoriquement, un juge ne peut prendre une telle décision qu’au milieu de son enquête et non au début où en théorie la présomption d’innocence prévaut encore sur tout. On comprend aisément le gel des comptes d’une personne physique, mais le gel des comptes des entreprises reste suspect.